SUR LE "REDUCTIVISME"

Publié le par Jean-Pierre Biondi

J' écoutais récemment un débat télévisé sur Cuba entre l' un des innombrables rédacteurs en chef de " L' Obs ", hebdomadaire plutôt centré à gauche, et une politologue du CNRS. Le premier réduisait définitivement le castrisme au rang d'une quelconque dictature, et ses leaders au niveau de vulgaires assassins à la solde du Kremlin. La seconde essayait de défendre la suggestion selon laquelle la question était plus complexe du point de vue de l' analyse historique.

Depuis un certain temps, on peut constater l' usage croissant du réductionnisme politique dans les médias. En d' autres termes, d' une technique qui consiste à ramener une réalité à sa caricature. On ne saurait pourtant se contenter de résumer la révolution cubaine des années 50 à un banal pronunciamento. De quel droit en effet dégrader cet événement qui a incarné le rêve d' une génération, et dont les acteurs ont servi de modèles à toute la jeunesse progressiste d'alors ? Le propos du journaliste conjuguait simplification et désinformation en l'absence de tout contexte ou mise en perspective.

Qu' était Cuba, précisément, en 1953 ? une sous colonie des USA dont le Président, Batista, était un tyran corrompu placé là par la CIA et protégé par les " Marines ". Le pays représentait un tripot où les milliardaires venaient jouer des fortunes et un bordel où les pédophiles couraient faire leur marché, sous les yeux de paysans asservis par des Compagnies sucrières étrangères. Telles sont les données de base à ne pas perdre de vue.

Imaginons dès lors le pouvoir de ce peuple illettré, à la porte de la Superpuissance mondiale ! L' île encerclée, espionnée, pillée ! comment n' aurait-elle pas cherché secours ailleurs, en l' occurrence du côté du lointain monde communiste se revendiquant de l' anti-impérialisme ?

Ce genre de scénario est indissociable de toute lutte de libération. Il provoque en retour et quasi automatiquement la coalition des Etats occidentaux et de la Finance. On entre dans l' engrenage des complots et des répressions, générant à la fin un Ordre policier dénoncé bruyamment par la Démocratie formelle. Cela a été le cas, avec les dégâts qu' on connait, dans l' ex- Union soviétique, les "Démocraties populaires" d' Europe, la Chine, le Cambodge et d' autres.

Ce qui est ici navrant est le ralliement d' un journaliste à la démarche simplificatrice qui, escamotant les tenants et  aboutissants d' une information, distille l' idée d' une confusion fatale entre révolution populaire et totalitarisme. 

 

Publié dans histoire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Les mots sont toujours aussi clairs. Vous n'avez pas pris une ride. Au plaisir de vous lire encore depuis la plus romaine des villes françaises... Fabrice RAYNAUD.
Répondre