SUR LE POUVOIRISME

Publié le par Jean-Pierre Biondi

L' Histoire permet de croiser d' authentiques "pouvoiristes". Ni de droite ni de gauche. De droite, puis de gauche, ou inversement. Tendus en permanence vers leur objectif, enfermés dans une stratégie qui y conduit sûrement. Prônant le droit de se contredire et le devoir de l' interdire, doublant l' indulgence d' intransigeance, la démagogie de l' opposant de la jalousie du dirigeant.

En fait, la passion du pouvoir a quelque chose de pathologique. Ne m' ayant jamais effleuré, elle m' a toujours étonné par son obstination et son culot. Rien ne la stimule autant que l' incertitude, ne l' excite plus que l' échec. Le pouvoiriste est un fluctuant que le succès comble et déçoit à la fois. Il jouit de sa victoire sans renoncer au plaisir qu' entretenait son ambition. Il voudrait continuer de figurer en gagnant potentiel qui exaltait ses partisans et lui attirait des courtisans.

Il y a , en tout cela, de l' orgueil aristocratique. L' homme de pouvoir méprise les idolâtres. Ses ennemis le fascinent : comment en viennent- ils à le contester, lui, l' Unique, si entouré et flatté ?On ne peut mieux illustrer le phénomène du pouvoirisme que par quelques exemples  dignes de figurer dans les épisodes de l' Antiquité et de témoigner de l' immuabilité de la nature humaine :

      - ainsi  Alexandre Millerand, fils de petit commerçant, avocat et , à 26 ans, député d' extrême gauche. C' est lui qui rédige le premier texte socialiste d' inspiration foncièrement marxiste en France, appelé " le Programme de Saint-Mandé". Trois ans plus tard, il est ministre dans le même gouvernement que le général de Galliffet, bourreau de la Commune de Paris. Il gravit, sous les injures, tous les échelons : ministre de la Guerre, président du Conseil, puis président de la République en 1920. En 1924, il résiste difficilement au projet de Coup d' Etat contre le gouvernement du Cartel des Gauches  auquel le pousse l' extrême droite. Il démissionne, la mort dans l' âme.

       - ainsi Pierre Laval, fils d' aubergiste auvergnat, devenu lui aussi avocat, socialiste de gauche et député à 31 ans, proche des syndicalistes révolutionnaires qui l' ont élu maire d' Aubervilliers. Quelque temps après, sénateur avec l' étiquette de l' " Union nationale républicaine", il entame une longue carrière ministérielle. Vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy en 1940, il en devient le véritable patron deux ans plus tard, cumulant, avec l' appui de l' Occupant, plusieurs portefeuilles-clé entre ses mains. Il meurt, fusillé pour collaboration, le 15 octobre 1945 dans un fossé de la prison de Fresnes.

      - ainsi François Mitterrand, fils de cheminot, avocat, d' abord séduit par les idées d' extrême droite, voire " cagoulardes", vu ses relations avec Claude Jeantet et Schueller, le créateur de " L' Oréal ". L' occupation nazie le conduit à une certaine ambiguïté : agent contractuel de Vichy, décoré de la francisque début 1943, il prend le nom de Résistance de Morland en novembre suivant. Puis, élu député de la Nièvre " Unité et action républicaine" sur un programme anticommuniste après la Libération, il est onze fois ministre sous la IVème République. Il est battu, durant la suivante, aux présidentielles par de Gaulle puis Giscard d' Estaing avant de triompher de ce dernier en 1981. Il fait entrer les communistes au gouvernement. Mitterrand est seul, avec sa clique, son clan, sa cour, à avoir assumé deux septennats complets, autrement dit exercé pendant 14 ans un pouvoir " jupitérien".

( à suivre, très probablement ).
  
   
A

Publié dans société

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