A L' OUEST, QUE DU NOUVEAU (*)

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Vietnam, Irak, Afghanistan, trois échecs humiliants pour l' armée améric aine et, par contre-coup, pour l' image de l' Occident. Kaboul semble bien sonner le glas de la période écoulée depuis la fin de la dernière guerre mondiale. L' Asie, puis le Monde musulman et le Continent noir, s' émancipent de plus en plus d' une domination impérialiste blanche engagée il y a plusieurs siècles (**)

C' est maintenant à l' EURAMERIQUE de se trouver en position défensive. Certes le budget militaire US demeure, et de loin, le n°1 mondial. Mais ni les populations américaines ni les nations européennes ne se montrent favorales à une nouvelle croisade préventive ou punitive derrière le drapeau d' une démocratie elle-même contestée de l' intérieur. Le coup des "armes de destruction massive" ne prend plus.

Les problèmes de la répartition globale des richesses et de la co-existence des modèles socio-culturels connaissent donc un regain d'acuité sur le terrain. Cette évolution ne se poursuivra pas sans autres crises et secousses dont la durée et les effets humains  sont  imprévisibles. Par l' enchaînement des phénomènes économiques, technologiques, démographiques, culturels, religieux, climatiques, sinon sanitaires, les peuples risquent ainsi de se voir vite confrontés à des difficultés qui, en s' accumulant et se politisant, mettront en cause le concept de plus en plus mal perçu de l' Etat gendarme.

C' est la lecture qu' on peut tirer aussi, de manière apparemment extensive, de la méfiance de  ceux qui, face à l' épidémie de covid, refusent, contre vents et marées, de se laisser vacciner. Quel rapport avec Kaboul et ses talibans? direz-vous. La conscience diffuse d' une impasse générale grandissante. Les défilés du samedi, inspirés des "Gilets jaunes" et comiquement comptabilisés par M.Darmanin, transcendent, à l' évidence, une piqûre au bras déjà subie, parait-il, par plusieurs milliards de personnes dont certaines figurent parmi les manifestants eux-mêmes. 

C'est qu' il s' agit de l' expression collatérale mais fondée d' une lassitude et d' un scepticisme dont on peut chercher  une source indirecte  dès  le "choc pétrolier" de 1974. Rappelons-nous du tandem Nixon-Kissinger  cassant par la hausse brutale du pétrole séoudien  l' essor devenu menaçant pour les Etats-Unis des économies de l' Europe et du Japon. La France, quant à elle, pleurant ses "30 glorieuses", ne s' est jamais tout à fait remise du mauvais coup, traînant derrière elle des générations de chômeurs et une augmentation de ses prix à la production provoquant la  désindustrialisation du pays. Le civisme et la foi en la réponse politique s' en sont depuis trouvés  sér ieusement affectés.

Champs de ruines, massacres d'innocents, camps immondes de réfugiés, migrations sauvages, ukases diplomatiques,  Washington peut-il continuer à jouer indéfiniment, avec ses défoliants, son napalm, maintenant ses drones, ses fusées, ses droits de douane ou ses interdits commerciaux, les apprentis-sorciers et à conduire, de defaite en défaite, selon l' incarnation momentanée du Mal désignée par lui,  l' humanité vers sa perte ? Le rapport de forces mondial tend à s'inverser : le lamentable spectacle de l' aéroport de Kaboul en est l' illustration. L'usure du Système n' est pas niable : l' Ouest a besoin de penser d' urgence sa rénovation et d' en tirer sans arrogance une dynamique de justice et de paix.

 

 

(*) cf. Erich Maria Remark :  "A l' ouest rien de nouveau" (1929)

 

 

(**) J-P Biondi :  "Le Tiers-socialisme" (Flammarion 1976)

 

Publié dans société

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