DES SPORTIFS ET DES HOMMES

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Le scandale des agressions sexuelles dans le milieu sportif, phénomène récurrent mais s' inscrivant aujourd'hui dans un contexte de crise sociale, touche un domaine dont les objectifs affichés sont au contraire d' aider les Jeunes à entrer dans la vie en les orientant vers les valeurs de loyauté et de respect fraternel. Encore une illusion qui se dissipe ?

Je profite néanmoins de cette actualité pour ressusciter le souvenir de quelques grands champions français qui, chacun dans leur spécialité, demeurent par leur exemple et leurs exploits, de réconfortantes références. La seule évocation de ces patronymes en partie oubliés ou méconnus ne devrait pas manquer de réjouir certaines mémoires et de retenir l' attention des néophytes.

Carpentier, Rigoulot, Ladoumègue, Taris, Lapébie, sont des noms-symboles d'un patrimoine. A cette caractéristique commune s' ajoute un autre élément : tous sont d' origine populaire, comme si la réussite sportive était pour les enfants de famille modeste une garantie de promotion sociale.

Georges Carpentier (1894-1975) a été le dandy du sport de haut niveau. Fils d' un mineur du Pas-de-Calais, né dans le coron, il débute comme commissionnaire chez un notaire avant de se révéler doué pour la boxe, la Française d' abord (il devient vite champion du monde amateur), l' anglaise ensuite. Après une guerre de 14 héroïque en tant que pilote de chasse, il se tourne un moment vers le rugby puis revient à la boxe. Il conquiert trois titres de champion d' Europe et gagne en 1921 le grade d' outsider du champion du monde toutes catégories, l' Américain Jack Dempsey. Battu de peu, Carpentier s' installe au faîte de la notoriété des deux côtés de l' Atlantique, couvert d' honneurs et coqueluche d'un Tout Paris séduit par sa classe et son élégance naturelles.

Charles Rigoulot (1903-1962) est fils d' un boucher pourvu de 8 enfants. A 21 ans Charles est déjà champion olympique d' haltérophilie et à 22 promu au titre d' "homme le plus fort du monde". Gravement blessé au cours d' une tentative de record de l' épaulé-jeté, il se reconvertit avec succès dans le catch et la course automobile, remportant le célèbre "Bol d' or" en 1937. Sa popularité conduit le cinéma à l' évoquer et le mettre en scène dans plusieurs films tels " Cent francs par seconde" ou " Sur deux roues".

Jules Ladoumègue ( 1906-1973) a perdu, peu avant sa naissance, son père, docker bordelais, dans un accident du travail, et sa mère dans un incendie, trois mois après sa venue au monde . Elevé par une tante, il est à 12 ans apprenti jardinier et à 20 détenteur de plusieurs records du monde de course à pied. Je l' ai rencontré à la fin des années 50 dans les couloirs de la radio et ai  alors compris la raison de sa phénoménale foulée : " Julot " ,idole de 400.000 personnes venues l' acclamer sur les Champs Elysées après son absurde radiation pour "professionnalisme " (voir les cachets réglés aujourd'hui aux vedettes sportives), Julot donc n' avait pas de hanche. Sa souplesse n' avait d' égale que sa modestie. 

Jean Taris ( 1909-1977 ) a été le pionnier de l' essor de la natation française. Fils d' employé des chemins de fer, 34 fois champion de France, 3 fois finaliste des Jeux olympiques, invaincu de la traditionnelle Traversée de Noël de Paris à la nage (8 km), il a été inscrit au Tableau mondial de la Natation (ISHOF) en 1984. Un court-métrage,"Taris, roi de l' eau ", lui a été consacré par l' auteur de " Zéro de conduite ", le cinéaste Jean Vigo.

Roger Lapébie ( 1911-1996 ), autre fils de cheminot, autre Bordelais, apprenti dans une miroiterie, aborde le sport par l' athlétisme où il côtoie Ladoumègue. Mais, repéré très tôt ( 16 ans ), il devient  cycliste professionnel et entame une carrière qui lui permet d' accumuler les victoires les plus prestigieuses, y compris le Tour de France sur dérailleur ( 1937 ) qui est une première. Un film retraçant son aventure reprend le slogan clamé par le public à son passage : " Vas-y Lapébie !".

Grâce soit aussi rendue à des centaines  d'autres,  Maurice Garin, vainqueur en 1903 du premier Tour de France, Jean-Pierre Wimille, Mimoun, Cerdan, Kopa, Lacoste, Magne, Bobet, Jazy, les frères Boniface, Killy, Marielle Goitschel, Calmat, Tabarly, Platini, Prost, D' Oriola, Douillet, Hinault, Marie-Jo Pérec, Laura Flessel, Jeannie Longo,Laure Manaudou, Karabatic, Estanguet, aujourd'hui Kevin Mayer, Lacourt, Loeb, Martin Fourcade, Teddy Riner ou M'Bappé , bref à tous ceux  aussi titrés (Anquetil, Just Fontaine, Drut, Gatien), populaires (Robic,Poulidor, Thévenet, Virenque, Fignon, Tony Parker ) ou méritants,( Cochet, Borotra, Diagana,Mazeaud, Lavillénie,Noah), à peine mentionnés dans cet hommage. Ils sont légions qui ont su donner du sport une image de courage et de dignité qu' une fausse note ne peut effacer.

Publié dans société

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