LA CONQUÊTE DE L' EUROPE
A ceux qui jugent mon propos excessif, je fixe rendez-vous dans cinq ans, après le second mandat de Trump. Ils pourront alors évaluer objectivement le pourcentage d' exactitude de mes prédictions. Je suis, en février 2020, totalement convaincu que l' Europe, ex colonisatrice s' il en fût, est à son tour en voie de réelle colonisation. La justice voudrait que ce soit les anciens colonisés qui profitent de ce retournement de l' Histoire. Il n' en est rien. L' arroseur est arrosé par plus peut-être arroseur que lui.
La menace date en vérité de la fin de la deuxième guerre mondiale, au prétexte du danger de stalinisation.
Eisenhower voulait déjà mettre administration et monnaie des pays libérés du nazisme sous tutelle directe (il était alors simple général...). Aujourd'hui, il s' agit de stopper, sinon le coronavirus, du moins le péril maoïste.
Dans les deux cas, l' Europe s' est retrouvée l' enjeu d' une rivalité entre puissants impérialismes : USA contre URSS, puis USA contre Chine populaire. Notre continent, premier marché commercial du monde, est, il est vrai, une proie alléchante pour qui sait jouer de ses contradiction internes. En fait, il n' existe pas moins de trois Europe dont les motivations et les attentes varient :
- une Europe de l' Est dont le souci primordial est le maintien du " bouclier américain" (OTAN) face au voisin russe
- une Europe du Nord dont chaque avancée provoque une riposte punitive de Washington ( ainsi l' exterritorialité scandaleuse du droit américain dans les échanges euro-iraniens)
- une Europe du sud qui voit surtout la Communauté en tant qu' aide malade la garantissant contre la faillite
On songe dès lors au combat des Horace et des Curiace qui semble inspirer les objectifs de Trump : neutraliser la concurrence économique européenne, tuer dans l' oeuf les velléités expansionnistes chinoises. Pour ce, il faut donc faire place nette en étranglant l' Europe bruxelloise par un retour au protectionnisme et par la conclusion d' une série d' accords bilatéraux excluant toute intervention communautaire.
L' Américain, il ne s' en cache guère, est décidé à en finir avec les résistances franco-allemandes. Après avoir dépecé Alstom, il a inscrit au programme Airbus, la BNP, SANOFI, le vin français et l' industrie automobile germanique, entre autres. Le marché de l' art lui- même n' est pas oublié. C' est financièrement juteux, et cela permet au passage d' en mettre un coup à la fameuse "exception culturelle française" (1).
La CIA est au travail. Les lobbys s' affairent. Le pouvoir des "Traders" a remplacé l' époque des "Marines", débarquant au Guatémala pour y imposer "United fruits". Les artificiers sont dans la place (Steve Bannon, conseiller politique de Trump jusqu' en 2017, navigue d' une capitale européenne à l' autre, par exemple). Que peuvent devenir à terme des pays dépendants sinon des dominions désindustrialisés, au budget ruiné, aux exportations agricoles limitées, au secteur tertiaire menacé, à la monnaie affaiblie et au niveau de vie en déclin ? un pendant touristico-culturel de l' Amérique latine. Nos ex libérateurs se transforment en néo conquérants. La conjoncture, nos disputes, notre inconséquence, les y aident.
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(1) Cela paraîtra peut-être anecdotique. Cela ne l' est pas. A l' occasion de son 90 ème anniversaire, le Museum of Modern Art de New York (MoMA) a publié un luxueux catalogue. Les Européens, notamment français, y figurent en nombre jusqu' en 1945. Puis plus rien ou presque, pas une trace de la seconde Ecole de Paris ( De Staêl, Soulage, Bazaine, Manessier, etc) . L' Art moderne reconnu n' existe plus qu' aux Amériques, et ses productions atteignent des prix ahurissants. Ce business (marché en partie artificiel pour placement dans les coffres de paradis fiscaux) prospère déjà sous le contrôle attentif du capitalisme financier.