CONNAISSANCE D' HENRI MONNIER

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Il a laissé une rue pour initiés, flanquée d' une placette bordée de restaurants indiens, au piémont de Montmartre. Une traverse courte et pentue qui part à peu près de l' endroit où est né Paul Gauguin, Rue Notre Dame de Lorette, pour aller buter contre le Théâtre en rond qu' animait une comédienne des années 30, Paquita Claude. Tout de suite à droite, l' avenue Frochot, qu' ont hanté Toulouse-Lautrec et le cinéaste Jean Renoir.

 Le Parisien de souche Henri Monnier  est pratiquement inconnu des lieux. Plaque de rue parmi d' autres qui ne disent pas grand chose si l' on n' y ajoute un mot d' identification : Henri Monnier, caricaturiste, dramaturge, acteur (1799-1877). Louise Colet, maîtresse de Flaubert, habitait le n° 2 quand le coin portait encore le nom de passage Bréda.

Là est l' un des charmes de la vieille capitale : dans les révélations de son inépuisable passé et de ses innombrables figures. Henri Monnier a marqué le comique de son temps (en gros la période 1825-65) que la guerre contre la Prusse puis la Semaine sanglante terrassant la Commune sont venues submerger. Il a été quarante ans, toutes proportions gardées, le Coluche de l'époque : un amuseur populaire et grinçant. A son souvenir se rattache notamment Joseph Prudhomme, personnage familier à plusieurs générations qui avaient fini par plus ou moins ignorer le nom de son créateur .

La monarchie de Juillet et le second Empire ont été des périodes privilégiées pour les nombreux caricaturistes qui se pressaient à Paris autour de la revue de Philipon "Le Charivari". Leur chef de file, Daumier, inventeur, lui, de Robert Macaire , s' est rendu célèbre en dessinant la tête royale de Louis-Philippe en forme de poire (Mahomet était encore inconnu). Il y avait aussi Gavarni, Carjat, Grandville, André Gill, Traviès, autres talents oubliés du grand public.

Pour revenir à "Monsieur Prudhomme", il était né en 1830 des dessins à la plume de Monnier et aussitôt adopté. Ventripotent, réactionnaire et content de lui, il incarnait le bourgeois moyen typique qui a servi de référence à une foule d' écrivains : Balzac en premier lieu, dans "La Comédie humaine", mais aussi Verlaine, Eugène Süe, Béranger, Stendhal, Scribe, jusqu' à Sacha Guitry et Marcel Proust. Toute sa vie, Monnier n' a  cessé de fignoler son héros, de le faire pérorer sur l' actualité, de le dessiner dans son quotidien, de le jouer sur scène, à tel point qu' on a fini par lui prêter une ressemblance physique réelle avec son modèle. S' écoutait-il penser? N' était-il pas comme lui un bourgeois, s' exprimant dans la même langue, en évitant toutefois les truismes, clichés et métaphores ridicules dont Bonhomme émaillait son grandiloquent discours? ll y a, pourrait-on dire, chez Monnier une souterraine et féroce autocritique. Une sorte de masochisme social inavoué.
La diversité de ses dons a peut-être nui à sa postérité . A quel Monnier désirez-vous parler? Il existe cependant une grande cohérence dans son obsessionnelle dénonciation de la bêtise. Bonhomme se porte encore bien, merci.

Publié dans histoire

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