Dynastie et République

Publié le par memoire-et-societe

On compte actuellement en France 5 millions de chômeurs totaux ou partiels, dont 3 millions 300.000 dûment recensés. On y dénombre aussi 11% d' analphabètes. Les diplômés, une fois formés, ont tendance à s' exiler, abandonnant le terrain à l' immigration, clandestine ou non, souvent sans qualification précise. Les plans sociaux mettent des milliers de familles à la rue, la croissance, qui repart ailleurs, semble éviter l' hexagone, les investissements avoisinent le zéro, contrairement aux prélèvements, l' opposition se déchiquète et la presse anglo-saxonne se régale.

Par- dessus le marché, le pays est engagé en Afrique dans deux conflits mobilisant 5.000 soldats, épuisant des crédits militaires en diminution, et isolant une diplomatie contestée. Enfin, l' école,la magistrature, l' hôpital, la police, traversent une crise de doute récurrente. Cependant, en ce début d' année, c' est vers d' autres sujets qu' on canalise l' opinion publique : les provocations d' un humoriste et les amours cachées du Président, maintenant ouvertement rangé du côté du libéralisme "social-démocrate".

Une troisième "évènement" mériterait pourtant l' attention : le refus par ses collègues sénateurs de lever l' immunité parlementaire de Serge Dassault, 89 printemps, patron du "Figaro". Les juges ne soupçonnent pas le constructeur de l' invendable "Rafale" de broutilles : complicité de tentative d' assassinat, association de malfaiteurs, achats de votes, figurent parmi leurs investigations concernant Dassault 2.
Le Bureau du Sénat, sinécure à laquelle en ces temps de vaches maigres on s' efforce malgré tout de confier quelque activité justificatrice, a, le 8 janvier dernier, opté pour la seconde fois, grâce à une abstention apparemment socialiste, en faveur du maintien de ce bouclier dit règlementaire. A Corbeil, son joujou, sa danseuse, où il a été maire avant d' être invalidé pour "dépassement de frais de campagne", les magouilles électorales du milliardaire sont secret de Polichinelle.

Une tradition de famille, en quelque sorte, établie depuis 1951. Cette année-là, le pére-fondateur, Marcel Bloch, devenu Dassault, se parachute dans le Beauvaisis. Une manne s' abat soudain sur l' électeur campagnard du coin . Service gratuit de "Jours de France", hebdo des têtes couronnées appartenant à l' industriel, somptueux colis de Noël pour les Vieux, équipement complet des clubs de foot, prise en charge de la réfection de tous les clochers en mauvais état, Dassault 1er achète littéralement son siège. Il le garde jusqu' à sa mort en 1986, glanant le titre de "parlementaire le moins assidu" (2 à 3 présences dans l' hémicycle par législature).
Deux ans plus tard, en 1988 donc, c' est Dassault 3, le petit-fils, Olivier, qui reprend le flambeau, avec, bien sûr, les techniques déjà éprouvées. Crier au scandale est devenu fastidieux et ,surtout, parfaitement inopérant. La République s' est faite au privilège d' une immunité applicable à toutes les situations, y compris celles qui vaudraient de lourdes condamnations et une inéligibilité définitive au justiciable ordinaire.Mais la légitimation d' un tel système ploutocratique ne contribue-t-elle pas, elle aussi, au discrédit persistant que le citoyen réserve à la "politique" en général et à la solidarité politicienne en particulier?

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