QUI LIT ENCORE...X? (3)

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Disons-le, les écrivains résistants non communistes n' ont pas été légions pendant la période de l' occupation allemande. C' est un sujet sur lequel on s' arrête généralement peu : la Gauche se déclarait alors majoritairement pacifiste, la Droite ne rêvait pour l' essentiel que de savourer sa revanche sue le "cauchemardesque" Front populaire.

Henri Béraud, Lyonnais de modeste extraction, a parcouru, entre les deux guerres, l' arc en ciel politique sous une double casquette : celle de journaliste et celle de romancier. Il débute en 1916 au "Canard Enchaîné" de Maurice Maréchal aux côtés d' Henri Jeanson et de Jean Galtier-Boissière. Béraud s' y révèle un redoutable polémiste d' extrême gauche, tout en obtenant en 1922 le Prix Goncourt pour deux ouvrages en même temps : "Le Vitriol de Lune" et "Le Martyre de l' Obèse."

Soudain, après l' Affaire Stavisky sur les faux bons du Trésor et les émeutes antiparlementaires du 6 février 1934, il vire de bord et rallie la feuille de droite d' Horace de Carbuccia, "Gringoire". Béraud y poursuit son travail de démolisseur, mais cette fois sur de nouvelles cibles.

De Gaulle a grâcié en 1944, à la demande de Mauriac, le " condamné à mort Béraud". Mais celui-ci n' avait pas accordé grâce au malheureux ministre Salengro, qu' il avait traqué jusqu' à le pousser au suicide en l' accusant à tort d' avoir déserté en 1914.

Devenu le thuriféraire de Mussolini, Franco et Salazar, (mais il n' est pas pro-nazi), Béraud privilégie deux thèmes : l' anglophobie ( il accuse Londres de vouloir entraîner la France dans une nouvelle guerre au profit des banquiers de la City) et l' antisémitisme (il soupçonne Léon Blum d' organiser l' "enjuivement" de l' Etat).

Béraud s' est maintenant fait place dans la haute société où il aspirait à s' introduire depuis sa jeunesse de pauvre. Il est un publiciste de talent qu' on sollicite. Puis tout s' écroule. Arrêté en juillet 1944, condamné à la peine capitale pour trahison, il sauve sa tête de justesse. Il demeure ensuite en résidence surveillée avant de s' éteindre dans sa maison de l' Ile de Ré en janvier 1958. Triste fin de parcours.

On peut malgré tout relire, ou même lire, des romans comme "La Gerbe d'or" ou "Les Lurons de Sabolas" : c' est bien écrit et ne réclame la mort de personne.

Publié dans littérature

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