Délire de fin (du nazisme)

Publié le par memoire-et-societe

Parmi les délires du nazisme agonisant, le projet de destruction de Londres figure en bonne place. L' action se déroule au nord du Pas-de-Calais, dans la région de Saint-Omer.
En 1940, les départements du Nord et du Pas-de-Calais ont été décrétés "zone interdite" par les Allemands, autrement dit détachés du reste de la zone occupée. Les Nazis avaient en effet l' intention de les intégrer à la Flandre belge pour constituer un micro-Etat, dominion du Reich, apte à lui assurer le contrôle du détroit, face à l' Angleterre.

Le lieu sélectionné par les ingénieurs et les stratèges militaires pour implanter l' entreprise d'anéantissement englobait trois sites principaux, proches les uns des autres : Eperlecques, Wizernes-Helfaut, Mimoyecques, qui vont devenir, de mars à septembre 1944, des objectifs prioritaires pour l' aviation alliée.

Le bunker d' Eperlecques, en lisière de forêt, témoigne de la mégalomanie hitlérienne : il s' agit d' un bloc carré de béton haut de 22 mètres comprenant une usine d' assemblage, une unité de production d' oxygène liquide , une rampe de lancement de "bombes volantes", V1, et surtout de fusées, V2. Ce dispositif, monument historique depuis 1985, était voué à fourbir des armes de représailles ( Vergeltungswaffen) contre les bombardements de villes allemandes. 22.000 fusées en sont parties. Fin 1944, les Alliés s' en sont approprié la technique, mise au point par von Braun, pour l' appliquer à la recherche spatiale.

La coupole de Wizernes-Helfaut ( 91 mètres de diamètre, 5,5 mètres d' épaisseur), couronnée d' un dôme de 55.000 tonnes de béton sous couvert boisé, était une vraie ville souterraine de sept kilomètres de galeries dédiées aux V2. Sa construction (Sonderbaut) par l' Organisation Todt a nécessité un an de travail de jour et de nuit. Plusieurs milliers de prisonniers et déportés, en majorité des citoyens soviétiques, y ont laissé la vie, avec 150 habitants du village voisin, tués par la pluie de bombes larguée par les quadrimoteurs américains B 24. Mais les fusées, elles, n' ont pas eu le temps de décoller.

Quant à la forteresse du hameau de Mimoyecques,appelée le "canon de Londres", son unique vocation était la disparition de la carte de la capitale britannique, distante de 165 kilomètres. Née d' une suggestion d' Albert Speer, le ministre-architecte d' Hitler, elle se nichait dans une colline de calcaire des environs des " Deux-Caps" (Gris Nez et Blanc Nez) et employait 5.000 personnes. Souterraine elle aussi, elle avait pour mission d' installer le V3, canon à longue portée et pompe de haute pression (HDP en allemand), de 127 mètres de long et 150 mm de diamètre qui, selon les chefs nazis, allait renverser le cours de la guerre. Elle impliquait deux complexes reliés par un tunnel ferroviaire, dotés l' un comme l' autre de cinq puits obliques comportant à leur tour cinq canons susceptibles de tirer chacun dix obus-minute, soit 600 projectiles à l' heure. Le site fut neutralisé le 6 juillet 1944 par des bombes perforantes de 6 tonnes. Le V3, encore au stade du prototype, n' a donc jamais servi. La 3ème Division d' infanterie canadienne s' est emparée des lieux le 5 septembre. Les experts allemands avaient prévu le lancement de cet effrayant héritier de la "Grosse Bertha " pour le 1er octobre...

L' alliance de la technologie la plus avancée et de la folie la plus destructrice (on ne parlait pas alors d' "armes de destruction massive") a été l' une des ultimes manifestations du nazisme aux abois. L' Armée rouge était aux portes de la Prusse et les Occidentaux atteignaient les bords du Rhin tandis qu' Hitler et ses seïdes s'attardaient sur le meilleur moyen de terroriser les populations qu' ils n' avaient pu soumettre. Pour les amateurs d' Histoire, le sujet vaut le déplacement dans le Pas-de-Calais.

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