Une langue n'est jamais un long fleuve tranquille

Publié le par memoire-et-societe

   " De l' Universalité de la langue française" a été publiée en 1784 par l' essayiste monarchiste Rivarol, d' ascendance italienne.Toutes les Cours d' Europe parlaient alors français.Il faut aujourd' hui lutter pour imposer dans les Organisations,Conférences et Revues internationales l' usage pourtant officiellement reconnu de notre langue, que les classes cultivées d' Europe, d' Asie et d' Amérique ont souvent cessé d' apprendre. On connait cette anecdote de l' Américain disant, dans un Colloque scientifique, à un intervenant francophone: " Speak white,please!" ( Parlez blanc, s'il vous plait !)

 On raconte même que dans je ne sais plus quelle université d' outre Atlantique, le français est étudié comme " langue morte".

   L' emploi du français vient derrière celui du chinois, de l' anglais, de l' espagnol, du russe, de l'arabe, du bengali, du portugais et du malais, juste avant celui du japonais parlé au seul Japon. Mais le français figure théoriquement sur les cinq continents. Après la décolonisation, l' hégémonie "métropolitaine" s' est vue contestée par l'émergence de termes ou d' expressions issus des particularismes néo-nationaux. La loi selon laquelle une langue se différencie en se répandant trouve sa confirmation dans cette distinction entre Centre ancien et Périphérie autonome. Les dictionnaires récents fourmillent non seulement de belgicismes, helvètismes, québècquismes ou créolismes, mais aussi d'arabismes et d' africanismes.

   Plus: le "français de France" connait, à travers une immigration de masse mixant les langues d' origine avec le français scolaire, l' argot, le verlan et le vocabulaire international à dominante anglo-saxonne, un bouleversement qui implique l' ensemble de la jeunesse. Le "ouèch " qui scande le début de phrase d' un ado des cités ne relève certainement plus de la "langue de gentillesse et de clarté " jadis  vantée par l'agrégé de grammaire sénégalais Senghor. Code de reconnaissance,tic verbal,référence à la BD, "ouèch" est emblèmatique d'un langage tirant vers un sabir fluctuant,polymorphe et résolument allergique à l' écrit.

   Le "linguistiquement correct" est ainsi mis en accusation en tant que phénomène bourge-gaulois. A la limite, lire devient fayot.Twitter, encore...mais seulement en phonétique. Quant à l' image, elle se régale de mots crucifiés (onomatopées, interjections, borborismes,bruits d' explosion etc.) et flatte l' analphabétisme ambiant. On peut dire que, élevé à ce niveau de communication, le langage est vraiment "châtié" :orthographe vandalisée, syntaxe déstructurée, le parler des exclus et la langue académique sont étrangères l'une à l' autre.

   Mais ne nous enfermons pas dans l' extrème. La sémantique "normale" évolue elle aussi, tranquillement et dans la nuance.Prenons un exemple chez la femme d' aujourd'hui : célibataire ou adultère, elle désigne son amant comme "l ' homme de sa vie", sauf si elle  a plusieurs amants en même temps, dit  " mon copain ", ou "mon compagnon",passé 40 ans, pour son concubin habituel, et parle d' " un pote " pour désigner celui avec lequel elle n' a aucune relation charnelle. Tout ça étant réversible et pouvant donc  concerner  les individus de sexe mâle , naturellement.

   En politique maintenant, fini d' évoquer la ou les provinces : on parle de "territoires", malgré une connotation lointainement coloniale. Mais , s' agissant d' outre-mer précisément, on usera du terme " collectivités". Le discours se fond là dans le politiquement correct, qui possède avec le linguistiquement acceptable des liens bien connus (à suivre).

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