Etre républicain
Faisant en 1950, devant l' Assemblée Nationale, l'éloge de mon père, député de l' Oise, qui venait de décèder dans un accident automobile, le président Herriot déclarait : "Il se montrait républicain, comme on l' était aux grandes époques " Je me suis longtemps demandé ce que signifiait " être républicain". Il existe par le monde quantité de dictatures, militaires ou civiles, socialistes ou non, affichant toutes le titre de République (populaire, démocratique, fédérative, islamique, j' en passe ). Parallèlement survivent,face à la vague des jeunes Etats, des monarchies parlementaires de type libéral, comme en Europe du nord. Les mots ne suffisent donc pas, et le même intitulé peut englober des régimes opposés.
"Comme on l' était aux grandes époques", avait précisé Herriot se référant au vote anti-Pétain de Jean Biondi à Vichy. En France, il est vrai, la charge émotionnelle qu' engendraient le concept et le terme "République" s' est bien émoussée. La "Troisième " était née le 4 septembre 1870 de la défaite de Sedan comme solution d' attente à la division entre Orléanistes et Légitimistes. La Commune de Paris une fois écrasée, la Res publica ( l" Affaire de tous ") n' était chargée que de préparer le retour d'une Restauration cléricalo-conservatrice comparable à celle de Louis XVIII en 1814. Plusieurs décennies d' âpres et perpétuelles luttes parlementaires ou citoyennes ont été nécessaires à l' établissement solide, vers la fin du siècle, du régime républicain.
Il est sans doute heureux que l' Institution, que pratiquement personne ne conteste plus, soit devenue aux générations suivantes aussi naturelle que l' eau courante et l' air qu' elles respirent quand il n' est pas pollué. Encore qu' entre 1940 et 1944, des partis ultraconservateurs ou fascisants, aux aguets, n' aient eu d' autre hâte que de vouloir , pour reprendre la formule du général monarchiste Changarnier, " étrangler la gueuse ". Preuve, s'il en est, que la République, en dépit de son évidence actuelle, reste une Idée porteuse de progrès, d' égalité et d' unité.
Edouard Herriot avait raison : mon père prtait la République chevillée au corps parce qu'il venait de loin, du bout de la pauvreté. La République, justement, et l' Ecole publique des " hussards noirs ' ( les instit' d'autrefois), avaient su lui offrir sa chance. Et lui inculquer la conviction que l' intérêt général prime les intérêts particuliers, la solidarité l' egoîsme de classe, le respect citoyen l' abrasif esprit communautaire, sans que rien, jamais, ne soit acquis d' avance.
Cette conviction, il l' a défendue toute sa courte vie, des bancs du Parlement au Camp de concentration de Mauthausen.
Il aurait 113 ans. Je sais que le plus bel hommage que je puisse lui rendre est de me dire, aujourd 'hui encore, profondément républicain.