DESTINS (III)

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Promu général de brigade en 1950, après un passage d' attaché militaire à l' ambassade de Londres, Stehlin devient en 1960 (de Gaulle a repris le pouvoir) chef d' état-major de l' Armée de l' Air. Il assume ce commandement jusqu' en 1963 (la guerre d' Algérie est terminée), puis, atteint par la limite d'âge, est nommé Conseiller d' Etat au tour extérieur.

Il quitte ce poste pour sièger dans plusieurs conseils d' administration de sociétés : Bugatti, Algeco, Hughes Aircraft Europe. Il surprend alors en prenant publiquement position contre l' arme nucléaire française, chère à l' homme du 18 juin, son protecteur (rappelons que tous deux sont saint-cyriens.)

Résolument passé dans le camp atlantiste et viscéralement antisoviétique, l' Alsacien l' emporte aux élections législatives d' après-mai 68 comme candidat centriste, battant son rival gaulliste dans la 21ème circonscription de Paris, la plus huppée de la capitale, puis est aisément réélu en 1973 ("votez malin votez Stehlin!" proclame son affiche électorale).

La journée du 6 juin 1975, 31ème anniversaire du débarquement en Normandie, se révèle fatale pour Paul Stehlin. En fin de matinée, Frank Church, membre d' une commission d' enquête du Sénat américain, dévoile les noms d' hommes politiques et d' officiers généraux européens  rétribués comme "experts" ou "consultants" par le fabricant californien de chasseurs Northrop. Celui de Stehlin y figure,  depuis 1964. C' est d' autant plus crédible qu' étant  vice-président de l' Assemblée nationale, l' ex pilote s' était engagé, arguant de ses compétences, en faveur de l' acquisition des appareils U.S Y16 et Y17 contre le Mirage F1-E de Dassault, lors du renouvellement de la flotte aérienne de l' OTAN. 

Vers 18 heures 30, le 6 juin toujours, tandis que l' information venue de Washington circule dans Paris, l' ancien général quitte son bureau, avenue de l' Opéra. Encore sous le coup d' une conversation pointue avec le correspondant de l'Agence "Associated Press", il longe le trottoir, encombré à ce moment de la soirée, avant de rejoindre son véhicule garé dans le voisinage. Soudain une forte bourrade dans le dos le précipite contre un autobus qui ne peut l' éviter (témoignages demeurés anonymes). Victime d' un grave traumatisme crânien, Stehlin (68 ans) est transporté à l' hôpital Cochin où il décède le 22 juin sans avoir repris connaissance.

Aucune enquête n' est diligentée, ni témoin éventuel auditionné. La famille se borne à communiquer que "le général Stehlin ne s' est pas suicidé". Le trépas est rangé dans la rubrique des " accidents de la route", et l' hommage du président de l' époque, Valéry Giscard d' Estaing, dont Stehlin était parfois " le visiteur du soir",  vite oublié.

( à suivre)

Publié dans histoire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article