MEMOIRE DE VAUBAN

Publié le par Jean-Pierre Biondi

Anne Blanchard, décédée en 1998, était une universitaire qui a concentré ses recherches sur deux sujets : l' Histoire militaire de la France et l' Histoire du Languedoc, sa région natale.
Sa thèse de doctorat a suscité une publication de 700 pages, intitulée "Vauban", publiée chez Fayard. Avant de la lire, je n' avais sur l' illustre personnage que des vues sommaires. Or Vauban a été plus qu' un architecte militaire. Partant de la poliorcétique (science de la défense et de l' attaque de lieux assiégés), il est devenu un agent déterminant de la politique de conquête de Louis XIV.

Issu de la plus modeste noblesse morvandelle, Vauban, de son vrai nom Sébastien Le Prestre, s' set trouvé, à 18 ans à peine, embrigadé dans l' armée du Prince de Condé, en rébellion contre Louis XIII. Ce Morvandiau sans formation mais point sans ambition, s' est aussitôt révélé un surdoué en matière de stratégie guerrière, et plus précisément, chacun le sait, de fortifications. 

C' est alors que, vite rallié au pouvoir royal, repéré par Turenne et parrainé par Louvois puis Colbert, il contribue de manière spectaculaire à l' extension du domaine français : Flandre, Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Outremont (les Alpes), Roussillon. Ces conquêtes doivent beaucoup à une nouvelle conception du "Siège" et à une technique de protection inédite des villes assiégées, toutes deux élaborées par Vauban.

Une autre chose ressort de l' étude d' Anne Blanchard, c' est le "rendu" d' une société où l' on s' embarrassait déjà peu avec l' argent public. Conflits d' intérêt, trafics d' influence, marchés truqués, favoritisme et népotisme fleurissent parmi les princes, les généraux et les ingénieurs. Vauban y a-t-il échappé? Un doute demeure à propos d' une affaire de fausses factures concernant d' importants travaux entrepris à Vieux Brisach, sur la rive droite du Rhin. Son prestige et sa grâce auprès du roi ont préservé le futur maréchal de suites éventuelles que cherchaient naturellement à alimenter ses rivaux. 

Une seconde remarque porte sur la passion "annexionniste" de Vauban. Zèle de courtisan ou défi de patriote ? Au prétexte de "réunir" pour mieux "protéger", le Contrôleur général n' a cessé de prôner une politique de rapines territoriales visant à étendre la puissance du monarque français. C' est son intuition impérialiste qui dessine encore aujourd'hui les contours de notre pays. Le "pré carré" du maréchal figurait déjà l' "Hexagone", selon le concept des "frontières naturelles" ( océans, montagnes, fleuves). Vauban, à mi chemin entre l' ère médiévale et celle des Lumières, demeure ainsi, depuis plus de trois siècles, la "mémoire visionnaire" des barrières de la Patrie.

Publié dans histoire

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