Où en sont les Droites?

Publié le par memoire-et-societe

Fidèle à une tradition datant de la monarchie, la Droite française continue de se diviser (d' accord, la Gauche aussi) en tendances distinctes et théoriquement inconciliables : Droite classique, Droite nationaliste, Droite moderniste. Les deux dernières semblent progresser dans l' opinion, et la première, la plus nombreuse mais ébréchée par la crise et ses luttes intestines, être en perte de vitesse. La fiscalité, l' identité, la sécurité, la défense de l' entreprise, forment les thèmes de leurs débats actuels.

Prise globalement, la Droite est majoritaire, avec de faibles oscillations, suffisantes parfois pour donner le sentiment d' une "vague" d' effrayante couleur. Ce qui constitue aujourd' hui une novation est la montée régulière d' un taux d' abstention révélant l' essoufflement du système, c' est-à-dire sa relative représentativité et l' urgence d' une mutation institutionnelle apte à revigorer la vie démocratique. Le citoyen, en se détournant du fonctionnement républicain et d' un personnel politique discrédité, annonce un sursaut qu' il sera difficile d' ajourner indéfiniment.

La Droite légitimiste, en débutant par elle, défend pour l' essentiel des valeurs qui n' ont connu depuis des lustres que de modestes retouches. Elle maintient ainsi la place prépondérante de la bourgeoisie conservatrice, laborieuse, soucieuse de ses deniers, dont Vichy flattait les aspirations : le bas de laine, le patriarcat, la xénophobie, et que le gaullisme a su récupérer à la faveur de la Libération. En dépit d' avatars partisans, du RPF à l' UMP, mais l' oeil rivé sur l' objectif, le Pouvoir, elle rassemble, non sans tiraillements, la France du patronat et du négoce, les hiérarchies militaire et religieuse, la haute fonction publique, les professions libérales, la puissance financière, bref l' oligarchie. Cette Droite a pris l' habitude se considérer comme détentrice naturelle des palais de la République, peinant à admettre l' accès aux Affaires d' une Gauche, même "raisonnable", qui mêle diplômés dévoyés (les énarques roses) et défilés de syndicalistes décomplexés.

La Droite identitaire, elle, exclue du jeu parlementaire grâce à des arrangements politiciens, tient un discours fort différent. Il existe, depuis Daudet, Maurras et la Cagoule, une solide tradition extrémiste à laquelle ont sacrifié nombre de leaders légitimistes repentis : Longuet, Madelin, Goasguen, Léotard, Devedjian et autres. Cette "famille de pensée", de nature plus plébéienne que la précédente, se caractérise par un national-populisme jaloux (la préférence nationale) et une radicalité qui la mène au bord, et parfois au coeur, du racisme. Toutefois la ligne "dédiabolisante" imprimée par sa nouvelle direction au Front National, pour prendre cet exemple, vise une intrusion dans le champ républicain , au grand dam des dirigeants de l' UMP alors obligés de se droitiser davantage pour retenir des électeurs tentés de passer à la concurrence. Ces chassés-croisés éventuels font, bien sûr, le miel d' une frange d' ultras usant d'une surenchère gratifiante en ces temps de chômage, d' immigration et d' europhobie. Bouclage des frontières, protectionnisme commercial, retour au franc, la répétition de tels mots d' ordre n' est pas sans impact sur une opinion déboussolée.

Enfin la Droite moderniste (atlantiste, européïste, néo-libérale), à califourchon sur un centre gauche à tonalité social-chrétienne et un centre droit pragmatique, fasciné par le modèle américain et la réussite allemande, incarne le dernier volet de ce triptyque hétéroclite. Du lointain MRP à la récente UDI, en passant par le Giscardisme ou le MODEM, elle n'a cessé, sans dédaigner les responsabilités gouvernementales, de se chercher un champion consensuel. Bayrou? recalé par l' UMP qui lui impute la défaite de Sarkozy. Borloo? léger à côté de certains candidats probables pour 2017. Après V.G.E, fortement épaulé en 1974 par Chirac contre Chaban et fortement affaibli en 1981 par le même contre Mitterrand, morne plaine. Il y a le potentiel électoral : mais toujours pour servir d' appoint.

Quand on observe de près, on constate donc que, sous le terme élastique de "Droite", co-habitent des groupes sociaux qui n' ont de commun que leur opposition au socialisme, concept aux frontières mal définies. Néanmoins, cet antisocialisme de principe ne recouvre aucune unité de pensée et d' action : on ne verra pas MM. Le Maire et Gollnisch sur la même estrade. Qui peut affirmer pour autant que l' électeur UMP n' est pas prêt à voter pour le candidat F.N contre le "danger" d' une gauche détestée ? La porosité croissante à la base n' infirme-t-elle pas la rectitude verbale au sommet? Les élections du printemps ne vont pas tarder à nous éclairer sur le sujet.

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